Le cuirassé Bismarck

Le Bismarck au combat
Ayant pris la direction de l'Atlantique nord dans le cadre de l'opération Rheinübung, dont l'objectif était la destruction des convois alliés naviguant entre le Royaume-uni et l'Amérique de Nord, la flotille allemande composée du cuirassé Bismarck, qui prenait alors part à sa première opération, du croiseur lourd Prinz Eugen et de plusieurs destroyers, se trouvait dans le fjord norvégien de Bergen au matin du 21 mai 1941. Décidée à la neutraliser au plus vite, l'Amirauté britannique, au courant du départ du Bismarck de son port de Gotenhafen, ordonna au croiseur Hood , au cuirassé Prince of Wales et à six destroyers de converger en direction de son lieu de mouillage après qu'un chasseur britannique l'eut repéré au cours d'une mission de reconnaissance. Une nouvelle reconnaissance aérienne eut lieu le lendemain matin mais elle ne put que constater la disparition des navires allemands. En effet, toujours le 21 mai, en début de soirée, le Bismarck, le Prinz Eugen et leurs trois destroyers d'escorte avaient déjà quitté Bergen . Ces derniers firent demi-tour le lendemain à l'aube tandis le cuirassé et le croiseur lourd prirent la direction du détroit du Danemark.
Le Bismarck précédait alors le Prinz Eugen d'environ 700 mètres. Les deux navires durent réduire leur vitesse et manoeuvrer finement pour éviter les gros blocs de glace présents dans l'eau. Le temps était épouvantable. Vers 19h20, le 23 mai , ils détectèrent la présence du croiseur britannique HMS Suffolk à une douzaine de kilomètres environ. En mauvaise posture, ce dernier s'éloigna après avoir alerté la flotte britannique de leur présence. Il continua néanmoins à les suivre à bonne distance. Vers 20h30, son navire jumeau, le HMS Norfolk parvint à s'approcher à moins de 10 kilomètres des navires allemands mais le Bismarck le prit pour cible . Il s'éloigna rapidement après avoir subi plusieurs tirs. Ce bref engagement vaudra toutefois au Bismarck de subir des avaries au niveau de son radar, en raison de l'onde de choc produite par les tirs. Il dut ainsi laisser le Prinz Eugen ouvrir la voie. A 22h, l'amiral Lütjens commandant le Bismarck ordonna de faire demi-tour afin de surprendre les deux croiseurs britanniques qui le suivaient. La manoeuvre sera toutefois détectée par le radar du Suffolk et ce dernier se retira à distance de sécurité. Au total, pas moins de 22 bâtiments de guerre britanniques, dont le porte-avions Victorious, participaient à la traque des deux navires allemands.

Le Bismarck durant la bataille du détroit du Danemark
A l'aube du 24 mai 1941, le mauvais temps cessa, faisant place à un ciel parfaitement dégagé. Aux environs de 5h45, les vigies allemandes aperçurent la fumée de deux navires à l'horizon: il s'agissait du Hood et du Prince of Wales arrivant par le sud- ouest. Le branle-bas de combat
fut ordonné. A 5h52, le Hood ouvrit le feu, tirant ainsi les premiers coups de canon de ce que l'on appellera par la suite la bataille du détroit du Danemark. La distance entre les deux groupes était alors tombée à 26 000 mètres. Le Prince of Wales tira à son tour une minute plus tard. Du côté allemand, précédé par le Prinz Eugen, le Bismarck riposta quelques minutes plus tard. A 6h, à près de 16 500 mètres de distance, l'un des obus de 380 mm du Bismarck toucha le Hood au niveau de la soute à munition, remplie d'obus et d'explosifs. Une énorme explosion coupa le croiseur en deux. Il s'embrasa d'un seul coup, avant de sombrer en quelques instants.
Il n'y eut que trois survivants parmi les 1 419 membres d'équipage du croiseur britannique. Après l'explosion du Hood , les deux navires allemands concentrèrent leurs tirs sur le Prince of Wales , qui dut rompre l'engagement à 6h13, après avoir été atteint à sept reprises par des obus de 203 mm et 380 mm. Durant ce combat naval qui dura une vintaine de minutes au total, le Bismarck sera touché à trois reprises par les obus du cuirassé britannique. L'un d'entre eux, tout particulièrement, avait traversé l' avant, sans exploser mais en générant toutefois une importante voie d'eau qui conféra au bâtiment une pointe négative de 1 à 2°. Cet obus avait également crevé l'une des soutes à mazout du Bismarck, diminuant ainsi son rayon d'action et provoquant de sucroît une trainée d'huile parfaitement repérable qui marquerait désormais son sillage. Il poursuivit néanmoins sa route dans l' Atlantique nord, toujours accompagné du Prinz Eugen .
Après la bataille du détroit du Danemark, la Royal Navy rameuta toutes ses forces disponibles pour participer à l'interception de la flotille allemande. Il y avait désormais 6 cuirassés et croiseurs de bataille, 2 porte-avions, 13 croiseurs et 21 destroyers mobilisés dans la poursuite du Bismarck et de son acolyte. Vers 18h15, le cuirassé allemand engagea brièvement le Suffolk et le Prince of Wales qui, malgrés ses sérieuses avaries, participait toujours à la traque. L'affrontement n'occasionna aucun dégât de part et d'autres mais il détourna en revanche l'attention des navires anglais, ce qui permit au Prinz Eugen de s'éloigner. Ce dernier poursuivit sa route vers le sud mais, en raison de problèmes de propulsion, il dut renoncer à sa mission le 29 mai, et rejoignit Brest où il arriva le 1er juin 1941. Le Bismarck, quant à lui, continuait de tenter d'échapper à la flotille anglaise qui lui donnait la chasse. Dans la nuit du 24 au 25 mai, le cuirassé allemand fit face à une attaque aérienne menée par une quizaine d'appareils ayant décollé du porte-avions Victorious. Une torpille parvint à l'atteindre mais sans causer de dégâts majeurs. Peu après, un nouveau duel d'artillerie fut engagé avec le Prince of Wales, mais une fois encore sans provoquer aucun dommage des deux côtés.
Ayant temporairement réussi à semer ses poursuivants, mais sans en avoir réellement pris conscience, l'amiral Lütjens commit l'erreur de signaler sa position au quartier général de la flotte à Paris, rompant ainsi le silence radio. La radiogoniométrie britannique intercepta le long message mais indiqua cependant un mauvais relèvement. L'erreur ne sera découverte que plusieurs heures plus tard. Les casseurs de code anglais
réussirent néanmoins à décrypter des communications parmi lesquelles figurait une demande de couverture aérienne pour le Bismarck jusqu'à Brest. Les navires britanniques reçurent ainsi l'ordre de converger au large de la Bretagne sur la route qu'était sensé emprunter le Bismarck. Un escadron d'hydravions Catalina, basé en Irlande du Nord, fut également envoyé en patrouille. C'est l'un d'entre eux qui repéra le navire allemand à 1280 kilomètres à l'ouest de Brest, à 10h30 le 26 mai 1941 .
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Le Bismarck subissant les attaques des biplans du porte-avions Ark Royal. Ces derniers parviennent à endommager son gouvernail au soir du 26 mai 1941.
Etant donné la situation de la Royal Navy vis-à-vis du cuirassé allemand
à ce moment précis, seule l'aviation embarquée du porte-avions Ark Royal était à même de neutraliser le géant allemand. L'ayant répéré à environ 110 kilomètres de sa position, le porte-avions lança à 15 heures une première escouade de Swordfish, biplans que l'on équipa de torpilles. Mais dans la précipitation, et surtout en raison des conditions climatiques, les avions attaquèrent ... le croiseur britannique Sheffield.
Les percuteurs des torpilles étant déréglés ( les engins explosèrent au contact de l'eau et non de la coque du navire), aucun coup ne porta cependant. Après de nouveaux réglages, une deuxième escouade de
14 Swordfish décolla entre 20h55 et 21h25. Dissimulés par la couverture nuageuse, les appareils britanniques réussirent à surprendre le Bismarck qui vira brusquement. Deux torpilles parvirent à toucher le géant allemand. Si la première, qui percuta le centre du navire, ne causa que des dégâts mineurs, la seconde en revanche frappa sa poupe et réussit à endommager gravement l'axe bâbord du gouvernail.
Ce dernier définitivement bloqué, le Bismarck n'était alors plus maître de ses mouvements. Comprenant qu'il était pris au piège, l'amiral Lütjens transmit ce message: " Nous combattrons jusqu'au dernier obus". Le cuirassé décrivit un large arc de cercle qui l'éloigna de Brest et le rapprocha de la flotille anglaise. Cette dernière, composée du croiseur Sheffield et de 5 destroyers, le retrouva vers 22h40 et engagea un combat qui dura toute la nuit. Au matin du 27 mai, les cuirassés King Georges V et Rodney aperçurent le Bismarck à l'horizon. Ils ouvrirent le feu vers 8h50 à environ 22 000 mètres de distance, avec des canons de 356 mm de 406 mm. Le Bismarck répliqua avec ses canons avant.

Le Bismarck, ravagé par les obus des cuirassés anglais, tirant ses derniers coups de canon
Rejoints par les croiseurs Norfolk et Dorsetshire et leurs canons de 203 mm, les deux cuirassés anglais se raprochèrent du Bismarck et firent usage de leur artillerie secondaire. A 10h, le King George V et le Rodney avaient déjà tiré près de 700 obus avec leur artillerie principale. Ceux-ci ravagèrent littéralement les superstructures du bâtiment allemand. Accablé, ce dernier ne put plus riposter au bout d'un peu plus d'une demi- heure de duel, ses tourelles et et son poste de direction de tir principal étant définitivement détruits. Il n'était alors plus qu'une épave en feu. Ordre fut alors donné de saborder le navire. Déterminés à en finir, les Britanniques lancèrent trois torpilles sur ce qui restait du Bismarck. Vers 10h35, le cuirassé chavira et coula par la poupe avant de disparaître complètement 5 minutes plus tard. Seuls 130 survivants seront repêchés par les navires britanniques (plus cinq par un sous-marin allemand), sur un équipage de plus de 2 200 marins.